samedi 22 novembre 2014

Un badge pour tuer impunément


Plusieurs choses ne marchent pas dans l'histoire du policier qui a tué un enfant en fonçant à 120 km/h sur l'auto dans laquelle il se trouvait en février dernier. En fait, tout cloche et tout porte à croire que le policier est entièrement à blâmer. Mais le DPCP en a décidé autrement et plusieurs ragent parce qu'ils n'arrivent pas à s'expliquer cette injustice.

C'est frustrant, et c'est extrêmement difficile de porter un regard neutre et de rester objectif dans un cas comme celui-ci. Surtout lorsque les circonstances sont troublantes et qu'un enfant est mort de façon violente. Or, en ne s'en tenant qu'aux faits (ceux que nous connaissons, du moins), on réalise que notre colère est justifiée.

Les faits

Il a été établi que le policier roulait à plus de 120 km/h dans une zone où la vitesse est limitée à 50 km/h. Il a été établi qu'il ne répondait pas à une urgence et qu'il était plutôt sur une opération de filature -- importante certes, mais pas urgente.

Le Directeur des poursuites criminelles indique égalemet que « La chaussée était sèche, la visibilité était bonne et le feu de circulation auquel faisait face le policier était vert. »

Quand au père, on lui reproche de s'être engagé « dans l'intersection alors qu'il n'avait pas de feu prioritaire dans une manoeuvre qui n'était pas sans risque. »

Remise en contexte

Ces faits isolés indiquent que le père pourrait avoir causé l'accident. Or la collision ne s'est pas produite dans un tube sous vide au milieu de nulle part. La collision s'est produite à une intersection en milieu urbain.

Et c'est ça qui fait toute la différence!

Il y a une raison pourquoi nous limitons la vitesse en milieu urbain. Non seulement quelqu'un peut brûler un feu rouge alors que vous aviez pourtant la priorité, mais un chien pourrait aussi traverser la rue, un enfant pourrait surgir de nulle part pour attraper son ballon, un piéton pourrait ne pas vous avoir vu venir et s'engager dans l'intersection.

Il y a une panoplie de tels exemples où un imprévu vous force à réagir subitement.

À 50 km/h, vous pouvez vous immobiliser ou dévier votre trajectoire. Au pire, vous pourriez foncer dans une voiture stationnée pour éviter un obstacle. Ou encore frapper un piéton innocent, mais à une vitesse où il a plus de chances de survivre.

À 120 km/h, ça ne pardonne pas. Toute tentative de freiner sera vaine. Toute manoeuvre d'évitement vous conduira dans le décor à une telle vitesse que vous mettrez en péril la vie des gens autour, la votre incluse. Vous pouvez faire des tonneaux, traverser un mur de brique et finir par vous immobiliser au milieu d'un salon plutôt qu'à l'intersection.

Les urgences

Les policiers, ambulanciers et pompiers sont formés pour manoeuvrer à de telles vitesses, c'est vrai. Mais leurs véhicules sont également équipés de sirènes et de gyrophares pour avertir du danger, pour prévenir les autres conducteurs et les piétons de leur arrivée subite, pour que l'on s'attende à les voir passer comme une flèche et que nous ayons le temps de nous enlever du chemin.

Le brave flic, ici, n'a pas activé ces signaux d'urgence, si son véhicule en était équipé. Personne ne pouvait prévoir son arrivée. Lui-même ne pouvait plus faire une manoeuvre d'évitement en cas d'urgence. Il n'avait plus le contrôle de son véhicule.

Même si le père a traversé sur la rouge et que c'était risqué, c'est le policier qui a causé cet accident en n'avertissant pas de sa conduite dangereuse en milieu urbain et en étant incapable de garder le contrôle de son véhicule.

Le policier est directement responsable de la mort d'un enfant qui, en d'autres circonstances, aurait probablement survécu à une collision à une vitesse normale, ou dont le père ne se serait pas retrouvé dans la trajectoire d'un véhicule d'urgence si une sirène avait été audible.

La suite

Ce policier semble coupable. Il devrait au minimum subir un procès afin qu'il soit jugé et que tous les faits soient étudiés. Que le DPCP le protège ainsi est inacceptable.

La pression médiatique sera palpable et les élus devront réagir. De plus, les citoyens rageront (avec raison) de voir qu'un simple badge a évité à un chauffard de subir les conséquences de ses gestes et d'aller réfléchir en prison à la façon dont on doit conduire un véhicule quand nous ne sommes pas seuls sur la route.

Un autre chauffard accusé de conduite dangereuse causant la mort voit la couronne recommander une peine de prison de 6 ans. Pourquoi épargner cela au policier? Pourquoi ne pas envoyer un policier en prison? S'il y a des circonstances atténuantes, voire des faits qui prouvent son innocence, qu'on le démontre dans un procès juste. Juste pour le père et juste pour l'enfant mort aussi.

Mais un badge n'est pas une preuve d'innocence.

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