mercredi 15 avril 2015

La dissidence préfabriquée



Ils prétendent parler pour le peuple mais ne sont qu’une minorité. Ils hurlent à la démocratie et votent encore à main levée. Ils parlent de « violence médiatique » mais sont les premiers à intimider. Ils se targuent d’être de libres penseurs mais acceptent en bloc une idéologie toute préparée et réchauffée.

Ce sont de nombreuses contradictions du genre qui caractérisent le mouvement étudiant embryonnaire qui prend les rues ces jours-ci. Ils rejettent « la société » comme si c’était une masse uniforme et monolithique pour y opposer des idées déjà vues, des sujets déjà traités, et des idéaux révolus.

Là où c’est absurde, c’est qu’ils sont absolument convaincus qu’ils sont arrivés à ces idées par eux-mêmes, qu’ils sont complètement imperméables à l’influence des « méchants » médias, qu’ils ne dépendent d’aucune façon de l’industrie pétrolière (avec leurs vélo aux pneus de caoutchouc), qu’ils résistent au capitalisme sauvage (avec leurs Doc Marten’s fabriqués en Indonésie).

Pour eux, la police est une espèce de milice privée dont la seule raison d’être est de les poivrer. Quelqu’un qui parle à un policier, c’est systématiquement un collabo, un snitch, un traitre ou, pire, un policier infiltré. Les policiers n’ont pas d’affaire à les empêcher de briser ce qu’ils veulent, d’occuper les lieux qui leur plaisent. De toute façon, si quelque chose est brisé, c’est à cause d’un undercover.

Pour eux, si vous ne supportez pas la totalité de leurs idées, si vous n’allez pas manifester à leurs côtés, c’est que TVA vous a lavé le cerveau. Vous n’êtes plus qu’un amas de chair idiot au service des banquiers, à la solde des Libéraux.

Les médias, puisqu’on en parle, ne sont là que pour remplir des commandes politiques. Ils ne servent qu’à protéger les intérêts du 1%. Les manifestants pestent que la police brime leur droit de parole, mais ils attaquent eux-mêmes physiquement les journalistes et les empêchent de faire leur travail, de rapporter les faits – pour ensuite les blâmer de ne parler d’eux qu’en mal.

Les sondages, c’est mal (sauf si ça leur donne raison). Le pétrole, c’est mal (sauf pour mettre dans l’autobus, parce que c’est long se rendre à la manif en Bixi!). La pollution, c’est inadmissible (sauf si c’est un gros Boeing qui leur permet d’aller méditer en Inde). L’UQAM appartient aux étudiants (qui votent du bon bord). Selon eux, de toute façon, vous avez tort. Absolument convaincus d'avoir été touchés par la Vérité, ils ne dérogeront jamais de la ligne officiel des camarades.

Ils. Eux. Cette poignée d’illuminés qui détiennent une vérité dont vous n’êtes pas digne. Ceux qui mènent cette espèce de mouvement anarchiste ridicule qui revendique n’importe quoi. Ces manifestants qui s’imaginent être des révolutionnaires d’un nouvel âge, alors qu’ils ne font qu’accepter sans le moindre doute les idées qu’ils s’imposent entre eux.

Elles. Enragées contre les hommes, sans aucun discernement. Celles qui organisent des manifestations contre le sexisme – où les hommes ne son pas admis. Celles qui barbouillent les sigles  homme/femme sur les portes de toilettes de l'UQAM pour y marquer « toilettes non gendrées » – mais qui vous accuseront de viol si vous avez le malheur de vous tromper de porte en allant pisser.

Ils. Elles. Eux. Vous savez de qui je parle, parce qu'ils sont tous les mêmes à travers les époques, depuis toujours. Les grands incompris qui nous accusent de ne rien comprendre.

Comme les victimes d’une secte, ils gobent tout rond des opinions politiques et deviennent les représentants inaptes d’une dissidence préfabriquée.