Le « problème », ce n’est pas que
sa religion nous est étrangère. C’est la religion en soit. Il faut comprendre
que la religion est un sujet délicat au Québec (et à plusieurs autres endroits
du monde). Il nous suffit de se remémorer les orphelins de Duplessis maltraités par le clergé, les coups de règle sur les doigts des étudiants donnés
par les bonnes sœurs, ou les innombrables histoires d’horreur, de viols et d’abus
entourant notre Église qui se multiplient ici et ailleurs.
Depuis, nous avons relégué la religion à un
statut plus intime. Alors qu’elle s’élevait autrefois au-dessus des lois, elle
est maintenant une question personnelle. La foi, c’est un choix que nous
respectons depuis longtemps. Chacun a droit à ses croyances et personne ne
remet cela en question.
Ce qui froisse parfois certains d’entre
nous, c’est lorsque des gens décident d’afficher à outrance leurs convictions
personnelles. L’étiquette que Mme Awada prétend porter sur son front est la
même que celle que portent – aux yeux de certains
– les sœurs catholiques, les
juifs hassidiques, ou les néo-sorcières aux allures gothiques. Il ne s’agit pas
d’intolérance ni de tolérance hypocrite, mais plutôt d’un inconfort justifié.
Le fait que Mme Awada soit d’origine
libanaise n’a aucun lien avec le sentiment qu’elle ressent d’être jugée. Là où
nous pouvons nous sentir froissés, c’est lorsqu’une personne ignore notre
sensibilité et notre histoire.
Lorsqu’une personne se voile le visage en
public, abat un animal de façon cruelle, nous réveille le dimanche en faisant
du porte-à-porte, ou refuse de se faire interpeler par une policière pour des
raisons religieuses, nous avons raison de nous offusquer.
Le problème, ce n’est pas l’origine de la
personne, mais son manque de respect envers nos valeurs et notre liberté pour
lesquelles nous nous sommes tant battus. La religion, dans notre société laïque, ne nous est plus imposée et ne dicte plus notre
façon d’agir, de nous vêtir ou de penser. Ça aussi, ça fait partie de notre
culture. Il ne faut pas seulement tolérer notre ouverture – il faut aussi la respecter.